When considering the recipient of the Bernd Lohaus Prize, only the artistic qualities of an oeuvre are taken into account, not the artist’s age or the medium in which he or she works. Anny De Decker, Stella Lohaus and last year’s winner Marc Rossignol selected a number of artists who had particularly attracted their attention in the previous twelve months. Catherine Mayeur was then asked to visit the artists and name the award-winner. Her decision is based on the work and her meeting with the artist, not on reports or intermediaries. Catherine Mayeur has awarded this year’s prize to Adrien Tirtiaux.

De l’architecture, sa formation initiale avant d’intégrer l’atelier de sculpture et de performance de l’Akademie der Bildenden Künste de Vienne, Adrien Tirtiaux en a gardé les principales composantes, les matériaux, les procédés de construction et certaines des références qui nourrissent son travail. Depuis 2005, ses interventions, dans des édifices ou dans l’espace public, s’organisent autour d’une constante, la redéfinition de l’espace. Il les nomme « travaux contextuels ». L’expérience du lieu – son histoire, sa localisation, ses caractéristiques et son aménagement, sa lumière, ses usages mais aussi les structures sociopolitiques qui les sous-tendent – détermine la conception d’un projet, sa production et sa réception.
Il procède par des opérations de détournements, renversements, déplacements, parasitages qui dérangent l’appréhension habituelle de l’espace. Sa réflexion critique sur l’architecture et l’urbanisme n’est pas sans lien avec celle de L’Internationale Situationniste. Ainsi, « Boven de muur » (Leuven, 2016), une structure continue en bois et film plastique, construite au dessus du mur qui sépare le parc public des jardins privés en y intégrant les souhaits des habitants (terrasses, accès au parc, écrans…), n’évoque-t-elle pas l’architecture modifiable rêvée par Ivan Chtcheglov alias Gilles Ivain, qui « changera en partie ou totalement suivant la volonté des habitants », afin « d’articuler le temps et l’espace, de moduler la réalité » ?

La dimension temporelle, dans la perception d’un espace, dans les processus de création ou encore dans la mise en séquence d’œuvres, s’avère en effet déterminante dans la pratique de l’artiste. L’un de ses livres s’intitule « Space is Time »… Pour une exposition personnelle à la galerie Martin Janda, « Le pouvoir de l’ellipse » (Vienne, 2010), il a articulé ses travaux de manière narrative et par enchaînements laconiques, à l’instar des cases d’une bande dessinée. Cette formulation, alliant textes et dessins en vignettes juxtaposées, est souvent empruntée, non sans humour, pour la présentation de ses projets. Mais l’aspect modulaire des planches participe de l’esthétique générale d’Adrien Tirtiaux. Diverses sculptures ou interventions recourent à l’assemblage d’éléments combinatoires, par exemple « Logarithme ne perd rien pour attendre » (2012), le développement dans l’espace d’un module basé sur le nombre d’or, avec un processus d’extrapolation. Emblématiques de la démarche, les « Tirtules » (contraction de Tirtiaux et de modules) sont constitués d’une tôle rectangulaire et d’un système de fixation en forme de bras (emprunté au Modulor de Le Corbusier) ; montés sur une structure en bois (qui elle-même peut s’en référer au système de connexion des éléments de la chaise de Rietveld), ils peuvent constituer une tour, une cloison… selon les dispositions contextuelles (« Too Big to Fail – A joint Venture », MARTa Herford, 2017 ou « Fragments of Infinity », mariondecannière, Anvers, 2018). L’assemblage modulaire est aussi à la base de la sculpture « Europe without Borders » (2018), une carte de l’Union Européenne qui se replie pour former une sphère parfaite, révoquant ainsi toute frontière.

La lutte pour l’abolition des états s’inscrivait au programme de L’Internationale Situationniste… De celui-ci, nous pouvons encore retrouver, chez Adrien Tirtiaux, l’hybridation des disciplines pour bouleverser le quotidien, la substitution du jeu à la rentabilité et l’aliénation du travail, la réappropriation psychogéographique de l’espace urbain par l’imaginaire et l’affect, la nécessaire participation collective à toute entreprise. En fondant « HOTEL CHARLEROI » avec Antoine Turillon et Hannes Zebedin, un collectif – autre articulation de l’unité à l’ensemble – qui a invité une centaine d’artistes dans la ville décrétée atelier, mobile et éphémère, il tente de créer des espaces de communication, d’inscrire l’art dans le social et dans le politique, « d’inspirer de nouveaux modèles de vivre et de travailler ensemble », selon ses propres termes.

L’utopie est cependant pensée et vécue d’une autre manière qu’elle ne l’était par les Situationnistes. À leur volonté déclarée de changer le monde, à la confrontation constante de l’artiste, aussi, aux rigoureux projets architecturaux du Modernisme tardif, il oppose une réflexion incisive mais ludique, entre hommage et irrévérence, teintée d’onirisme et soucieuse de l’écologie des moyens, et une disposition plus attachée à l’expérimentation et à la projection imaginaire qu’aux résultats. La fiction prévaut sur la fonction, la simulation et la précarité sur l’effectuation. Tout comme il a mesuré l’écart entre l’art et l’architecture par la combinaison de ces pratiques, il a pris acte de l’impossible collusion de l’art et de la vie, de l’art et de la ville, et tente de garder une position instable, un équilibre fragile à rejouer à chaque pas, comme dans ses sculptures performatives, ainsi d’un escalier dont l’oscillation est provoquée par le poids même du corps de l’artiste qui tente de le gravir, sans fin (« Perpetual Ascension (The Damage Generator) », Extra City Kunsthal, Anvers, 2016). Il conjugue joyeusement utopie et aporie, en témoignent les restrictions qu’il assigne lui-même à ses constructions qui parasitent l’espace plus qu’elles ne l’organisent, qui instillent la potentialité de l’infini sans le symboliser. Plus souvent que l’idée d’un work in progress, l’inachèvement est conceptualisé dès le départ et il semble bien que cette notion même porte le travail vers le renouvellement incessant des perspectives.

Catherine Mayeur

Voordat Adrien Tirtiaux aan de Akademie der Bildenden Künste in Wenen beeldhouwkunst en performance is gaan volgen, heeft hij architectuur gestudeerd. Van deze achtergrond als architect heeft hij de belangrijkste componenten behouden, namelijk het materiaal, het constructieproces en bepaalde referenties waarop zijn werk is gestoeld. Sinds 2005 draaien zijn interventies, in gebouwen of in de openbare ruimte, om één constante: het herdefiniëren van de ruimte. Hij noemt ze « contextuele werken ». Het ervaren van de ruimte – de geschiedenis, ligging, kenmerken en indeling, het licht en het gebruik ervan, maar ook de socio-politieke structuren die eraan ten grondslag liggen – bepaalt het ontwerp van een project, de uitvoering en de receptie ervan.

Hij gaat te werk via omleiding, omkering, verplaatsing, parasitering, die de gebruikelijke ervaring van de ruimte verstoren. Zijn kritische kijk op architectuur en urbanisme kan wel in verband worden gebracht met die van de Situationisten. Want doet « Boven de muur » (Leuven, 2016), een doorlopende constructie van hout en plastic folie boven de muur die het park scheidt van de privé-tuinen en waarin de wensen van de bewoners zijn geïntegreerd (terras, toegang tot het park, scherm…), niet denken aan de modificeerbare architectuur waarvan Ivan Chtcheglov, alias Gilles Ivain, droomde? Een architectuur die « geheel of gedeeltelijk wijzigt al naar gelang de wensen van de bewoners » om « tijd en ruimte vorm te geven, de werkelijkheid te moduleren »?

De tijdsdimensie, in de perceptie van een ruimte, in het scheppingsproces of in de opstelling van het werk, blijkt bepalend te zijn in Adriens kunstenaarspraktijk. Een van zijn boeken heet « Space is Time »… Voor de solo-tentoonstelling « Le pouvoir de l’ellipse » (Wenen, 2010) bij galerie Martin Janda, heeft hij zijn werk op een laconieke, verhalende manier opgesteld, zoals vakjes van een stripverhaal. Deze wijze van voorstellen, waarbij tekst en tekeningen naast elkaar worden geplaatst, wordt – niet zonder humor – vaker toegepast bij de presentatie van zijn projecten. Het modulaire aspect behoort tot de esthetiek van Adrien Tirtiaux. Verschillende sculpturen of interventies komen voort uit de assemblage van combineerbare elementen, zoals « Logarithme ne perd rien pour attendre » (2012), een op de gulden snede gebaseerde, ruimtelijke module met extrapolatie-proces. Emblematisch voor deze aanpak zijn de « Tirtules » (samentrekking van Tirtiaux en modules), die bestaan uit een rechthoekige staalplaat en een armvormig ophangsysteem (ontleend aan de Modulor van Le Corbusier); vastgezet op een houten constructie (die op haar beurt kan verwijzen naar het verbindingssysteem van de elementen van de Rietveld-stoel) kan het een toren of een tussenwand zijn, al naar gelang de context (« Too big to Fail – A joint Venture », MARTa Herford, 2017, of « Fragments of Infinity », mariondecannière, Antwerpen, 2018). De modulaire assemblage is ook het uitgangspunt van de sculptuur « Europe without borders » (2018), een kaart van Europa die is omgebogen tot een perfecte bol waardoor alle grenzen worden afgeschaft.